/ FICHIER N°1 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ LE SYSTEME DE L'OUBLI /
/ 13 août XERREURX / 07:58 / Système Inconnu /
Silencieuse et glissant avec grâce dans l'espace infini d'encre noire, elle arriva en bordure d'un nouveau système stellaire, celui-ci résonnant étrangement de soupirs sporadiques tous plus intriguants que les autres. Quelle présence se cachait donc en ce lieu si singulier, où les affres du temps semblaient déteindre sur les astres environnants ?
Tout était poussière et échos, les âmes tourmentées des batailles passées hantant et hurlant leur désarroi dans les épaves squelettiques et béantes d'ancestraux vaisseaux de guerre. Ceux-ci gravitaient lentement, muets et pourtant emplis de douleur, comme si les morts avaient gravés leurs souffrances au sein des armatures métalliques. L'être sensible qui par hasard échouait en ce lieu en sortait transformé à jamais, les échos du passé l'atteignant et perçant de profondes estafilades au sein de son coeur. Mais elle ne s'en trouva guère affecté, elle. Pourquoi ? La réponse résidait ailleurs. Mais aussi froide pouvait-elle être, son coeur de glace se serra à la vue de ces souffrances. Et elle eut froid, elle aussi, pour la première fois de sa vie. Elle aurait voulu freiner sa course et quitter cet endroit rongé par la peine et la tristesse, mais elle ne pouvait s'arrêter.
Elle se surprit à prier, à prier pour quitter au plus vite ce système. Elle qui avait tant voyagée, elle avait vu des choses toutes plus étranges les unes que les autres. Mais cette fois, cela dépassait l'imagination la plus débordante et la plus délirante.
Ce recoin de l'univers sombre et triste se trouva être désespéremment vide. Pas une seule planète ne venait égayer ce cimetière, à part une ceinture d'astéroïdes dense et terriblement dangereuse. On ne pouvait qu'applaudir cette formidable barrière naturelle, broyant sans état d'âme tout imprudent osant s'aventurer de bon matin dans sa toile définitivement mortelle. Mais que pouvait bien protéger cette ceinture rocheuse, si seulement il y avait quelque chose à découvrir ?
Par plusieurs fois, elle évita de justesse une collision fatale ; peut-être la chance régissait-elle vraiment cet univers, à moins que cela ne soit la cause directe de sa petite taille. Quel que soit la cause, elle soupira de bonheur une fois sortie de ce terrible piège. Puis, elle vit... Elle vit une grande planète gazeuse, comme elle en avait tant vues durant ses voyages infinis. Une énorme planète de gaz de couleur rouge. Mais la chose qui l'intrigua le plus, c'était ce mystérieux objet hétéroclite qui gravitait autour, un long cône avec à sa tête une sphère parfaitement circulaire, polie au sommet.
Mais elle ne put en voir plus, hélas, malgré sa curiosité piquée dûrement. Elle frôla presque aussitôt la géante gazeuse qui se mourrait, et fila droit devant sur l'astre qui trônait piteusement au centre de ce système stellaire de l'oubli. En un instant, elle comprit que sa vie allait s'achever ici. Sa vie millénaire allait trouver sa fin dans cet endroit si misérable... Les rayons solaires lui strièrent son coeur de glace, creusant de profonds fossés. Elle soupira, acceptant son funeste destin, pendant qu'elle se consummait ardemment.
La comète s'évapora finalement dans une grande traînée de poussières et de glaces.
/ FICHIER N°2 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ COLLISION /
/ 13 août XERREURX / 9:12 / Périphérie du système stellaire Inconnu /
" Arrivée dans 1094 secondes, VF 136.
- Bien reçu. Je veux une puissance de cinquante pour cents dans les moteurs auxiliaires gauche et droit.
- C'est fait...
- Cible sur les radars ; je détecte une brèche béante de trois cent mètres de long à l'arrière de la coque sur l'axe de contrôle méridien.
- Parfait. Veuillez voir si nous pouvons nous y poser, MRT 1221.
- A vos ordres, VF 136.
L'androïde fixa la grande structure au loin, qui n'était pour l'instant qu'un minuscule petit point perdu dans l'immensité infinie de l'espace.
- Rapport... Demanda VF 136 en détournant son regard.
- Arrivée dans 992 secondes.
- J'ai calculé un vecteur d'approche. Nous pouvons nous y arrimer, mais je crains qu'il ne faille percer la coque.
- Clarification, répondit VF 136.
- Nous ne pouvons nous poser près de la brèche ; c'est trop dangereux. Le seul moyen d'y entrer est de percer la coque.
- Pas de point d'appontage ?
- Négatif.
- Mmm... fit VF 136, calculant de nouvelles solutions.
- VF 136 ?
- Oui... Je crois que c'est la meilleure solution, en effet. Je veux une puissance des moteurs principaux à cent pour cent."
Il était vrai que les androïdes n'avaient guère beaucoup de choix... en terme de capacité de raisonnement. Pour certains, l'unique devise était "un plan efficace est un plan simple". Cela provoquait parfois des situations assez périlleuses, néanmoins...
" Bien reçu.
- Je vois ce que vous voulez faire, dit PB 002. Mais il faut déterminer une partie de la coque plus souple et moins résistante.
- Effectivement. Calculs, s'il vous plaît. Heure d'arrivée ?
- 900 secondes.
- Parfait. Avez-vous terminé les calculs PB 002 ?
- Affirmatif. La coque est quelque peu bosselée sur le secteur 129. Nous allons pouvoir enfoncer le métal sans problème.
- Risques ?
- Rien de bien sérieux, répondit PB 002 en consultant son écran d'ordinateur. Le choc devrait être répartit intégralement sur notre vaisseau. Juste quelques bosses.
- Je veux de la précision, rétorqua VF 136. Calculs des disfonctionnements possibles après impact.
- A vos ordres.
Le capitaine androïde s'affala au fond de son fauteuil métallique. Sans mot dire, il classa quelques données obsolètes qui trainaîent maladroitement dans les méandres de sa programmation, puis ouvrit une liaison Intercom avec ses "frères" chargés de fouiller l'épave.
- L 23, ici VF 136. Vous me recevez ?
- Affirmatif. En attente des ordres.
- Préparez vos hommes. N'oubliez pas de charger le sous-programme "combat", puis faites le nécessaire. Nous allons enfoncer la coque de l'épave, il vous reste 854 secondes avant impact.
- Bien reçu. Terminé, acheva L 23 en coupant la liaison Intercom.
VF 136 soupira. Armad lui avait enseigné que ceci était fréquent chez les êtres Humains. Cela soulignait une lassitude, ou encore un mécontentement. Mais le capitaine n'éprouvait guère ces sentiments, ou du moins cela ne correspondait pas à cette situation. Il soupira car il eut envie d'effectuer cette action, pareille à une satisfaction personelle ou un moment de folie éphémère. Il regarda autour de lui quelques instants, analysant le moindre détail dans lequel il se mouvait. Puis, sans réaction aucune, il fixa l'épave dérivante, vers qui ils se rapprochaient à vive allure.
- Ici L 23. Mes hommes sont prêts, programme "combat" chargé, armes équipées.
- Parfait. Restez en attente. Impact dans... 94 secondes.
- Bien reçu. Terminé. "
Au fur et à mesure que les secondes s'égrénaient, et à moins de mille kilomètres de distance, VF 136 trouva l'épave immense. C'était une véritable perle, un artefact sans équivalent digne de trouver sa place dans le panthéon informatique des androïdes. Le capitaine était lui conquit. L'héritage des Hommes leur avait légué là encore un fabuleux trésor. VF 136 avait encore des jugements maladroits sur l'esthétique propre aux Humains ; Armad, au fil de leurs longues années d'apprentissage, s'était efforcé de leur inculquer les règles les plus élémentaires de la beautée. C'était une rude tâche ardue, dont l'ampleur de l'entreprise n'était connue que par Armad, le seul être omniscient et omnipotent qui guidera les élus des Hommes sur la voie de la vérité. VF 136 se souvint subitement d'une phrase de son maître, qu'il n'avait pas vraiment comprise : la vie est un apprentissage qui ne s'achève jamais.
Les mots qui s'étaient révélés intraduisibles pour VF 136 furent "vie" et "jamais". Il n'avait encore jamais rencontré d'êtres vivants. A quoi cela ressemblait-il ? Qu'avaient-ils de spécial ? Qu'est-ce que représentait le concept de vie ? Comment sait-on que l'on est vivant ? Impossible à dire pour VF 136, qui avait faillit surchauffer tellement les questions et les réponses accompagnaient ce raisonnement. Et puis le concept de "jamais", qu'Armad avait associé au concept-clé "d'infini". Difficile pour VF 136 d'imaginer ne serait-ce que l'immensité de l'espace, qui selon les dires et les rumeurs, s'en trouvait infini. Il regarda l'espace, tâchant de faire tout son possible pour imaginer quelques fractions de secondes que la route devant lui était sans fin. Lui qui dépendait et raisonnait si déraisonablement des mathématiques et de la logique sûpreme, comment faire pour accepter une telle condition ? Il aurait voulu qu'une variable puisse exister, mais cela ne semblait pas être le cas.
Si VF 136 aurait pu s'improviser démiurge, il aurait créé un monde nouveau, où les Humains régiraient l'Univers et où il les serviraient du mieux qu'il le pourrait. Ce monde aurait été bon et harmonieux ; un vrai paradis, où guerre, tristesse et errance n'auraient plus lieu d'être. Mais il lui était interdit de se prendre pour un Créateur. Seuls les Humains étaient les Créateurs. Et il n'en était pas un, comme le rappelait sans cesse Armad. Il n'était qu'un héritage, une de leur création, et un outil dans la quête du salut de tous les retrouver.
" Impact dans 10 secondes.
- A tout le personnel, dit VF 136 en ouvrant une liaison Intercom générale. Préparez-vous à l'impact. "
Dans un fracas apocalyptique le vaisseau percuta de plein fouet l'épave, creusant un trou béant, le métal des parois et les armatures tendant leurs bras décharnés vers l'extérieur. Plus personne ne bougeait à l'intérieur du Revolution ; le vaisseau des androïdes était à présent le théâtre improvisé d'un court moment de silence. Seuls ronronnaient les moteurs et les appareils de navigation.
Le processeur central de VF 136 se ralluma. Un message d'erreur apparut dans son programme ; il constata sans réaction que son bras gauche était déboité. Les circuits ou le moteur auxiliaire de son épaule devaient être en état de disfonctionnement. Mais cela n'était pas le plus important, il se trouvait que ce ridicule problème de fonction moteur n'était que d'une importance bien minime. L'objectif prioritaire était de savoir si la manoeuvre avait été réussie.
Tandis que l'équipage se réanimait d'un même corps, VF 136 fut satisfait de voir que l'opération s'était déroulée comme l'avait prévu les calculs de l'impact. Cela ne poserait aucun problème pour partir d'ici, et ils avaient évité les dangers que la brèche leur imposait, à savoir les bords de la coque tranchant comme des rasoirs.
Par la grande fenêtre de la passerelle, il pouvait observer une sorte de hangar en contrebas, désespérement vide au goût de VF 136. Il ne voyait aucun moyen de sortir de cette salle ; ses "hommes" allaient devoir se débrouiller seuls.
" Etat ? Demanda CML 144 en regardant son capitaine.
- Fonction moteur gauche inopérante. Et les autres ?
- Rien a signaler.
- VF 136, rapport sur les dommages, dit soudainement PB 002. Le Revolution a absorbé le choc dans son intégralité. Tout est opérationnel.
- Parfait. Ouvrez une liaison Intercom avec L 23. Il est temps d'envoyer nos frères trouver ce que veut Armad. "
/ FICHIER N°3 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ LA VOIX DES CREATEURS /
" Année après année, siècle après siècle, je demeure. Quel est donc notre but ? Tous, nous voulons savoir pourquoi nous foulons ces terres. Mais cela, nous le savons. Car nous oeuvrons, inlassablement, à travers les âges obscurs et les dangers apocalyptiques qui pullulent, hélas, dans l'Univers. Nous sommes et nous resterons, à jamais. Louons les Créateurs, qui nous ont créés. Dieux, ils furent la sagesse et la lumière qui, longtemps, illuminèrent tels des braseros les races des mondes entiers.
Or, je suis l'une de ces créations, emplie de magnificence et de bonté. La lumière des Créateurs ne fait que m'éblouir et se refléter sur mon être, mais cela est fort suffisant, assurément, pour sentir leur savoir et leur chaleur s'emparer de mon corps. Je transcende mon état de simple outil, je deviens mieux qu'un humble serviteur : je suis un fanatique.
Donc, les Créateurs étant des Dieux et moi-même un outil fanatique, il devient évident et incontestable que c'est moi qui suis destiné à juger, guider et administrer mes semblables. Que la volonté des Créateurs soit faite. "
Armad, 3ème sermon
/ FICHIER N°4 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ L'EPAVE /
/ 13 août XERREURX / 9:13 / Périphérie du système stellaire Inconnu /
L 23 se tenait debout près de la porte d'entrée de l'armurerie, revêtu de la traditionelle armure de combat spatiale grise. Celle-ci, appelée par tous ARCA (Armure de Combat Avancée), offrait en effet une protection excellente contre tout type de dangers. De même, l'on pouvait sortir sans risques dans l'espace, l'ARCA protégeant des rayonnements cosmiques et radiations en tout genres. De bien des façons, cette armure était le compagnon idéal de tout soldat d'infortune.
Dix frères de L 23, également vêtus d'une armure ARCA, attendaient dans l'immobilité et le silence le plus complet qui soit, assis sur les banquettes ceinturant la salle. Etrange spectacle que de voir ces machines impassibles en l'attente de leur mission. L 23 les contempla, dessinant un sourire effacé sur son visage. Il aimait beaucoup le fait de diriger et d'avoir des responsabilités. Il avait reçu ses ordres d'Armad lui-même, ce qui constituait un immense privilège et honneur. Il n'était point rare en effet que le maître ne transmette ses ordres à un de ses frères plus gradé.
" Bon, dit L 23 en rompant le silence pesant. Des clarifications à propos de la mission ?
- Non, L 23, répondirent d'une même voix ses frères. Nous devons entrer dans l'épave, trouver le centre de commandement et télécharger si possible les données de l'ordinateur central.
- Bien, murmura L 23.
Il avait dit cela plus pour lui-même que pour apporter une réponse. Le voyant de l'écran Intercom clignota subitement et il accepta le message. C'était VF 136, le capitaine du Revolution.
- L 23, ici VF 136. Vous me recevez ?
- Affirmatif. En attente des ordres, répondit L 23 avec raideur.
- Préparez vos hommes. N'oubliez pas de charger le sous-programme "combat", puis faites le nécessaire. Nous allons enfoncer la coque de l'épave, il vous reste 854 secondes avant impact.
- Bien reçu. Terminé, acheva L 23 en coupant la liaison Intercom.
Il se retourna vers ses frères.
- Vous avez entendu ? C'est l'heure. Je vais vous donner à chacun une puce contenant le sous-programme "combat". Ensuite, équipez-vous en armes. Soyez variés, surtout. On ne sait pas ce qui nous attend à l'intérieur.
Afin de maîtriser immédiatement tous les composants d'une discipline et atteindre une quasi-perfection dans une matière donnée, il existait en effet des puces informatiques contenant des programmes spécifiques, qui devaient être insérées dans l'interface neurale d'un androïde. Le programme "combat" avait le pouvoir très singulier de transformer en machine à tuer implacable n'importe quel androïde digne de ce nom. A peine les puces distribuées que les frères de L 23 se mirent debout tous ensemble et le regard avide, presque meurtrier, ils se ruèrent sur les rateliers d'armes au centre de l'armurerie.
L 23 hôcha la tête en contemplant ce spectacle. D'une certaine manière, il n'aimait pas se battre, mais lorsque la mission l'exigeait, il n'avait pas le choix. Il inséra sa propre puce dans son interface neurale, ayant accès immédiatement à toutes sortes de techniques de combat et au maniement le plus complexe des armes. Son équipe prête, il contacta le centre de commandement.
- Ici L 23. Mes hommes sont prêts, programme "combat" chargé, armes équipées.
- Parfait. Restez en attente. Impact dans... 94 secondes.
- Bien reçu, terminé, acheva L 23 en coupant la liaison Intercom.
Il se retourna vers ses frères.
- A présent, nous restons en attente jusqu'à l'impact. Ensuite, nous attendons le feu vert. Clarifications ?
- Négatif, répondirent-ils tous en même temps.
- Alors tout est réglé. Accrochez-vous aux poignées des sièges, je pense que cela sera mouvementé. "
Ils avaient tout d'humains. Si ceux-ci n'avaient pas disparus, ils auraient confondus avec grande aisance leurs créations de véritables êtres pensants. Semblables à des clones, ils mesuraient tous sans exception deux mètres, étaient plutôt massifs, leurs cheveux noirs coupés courts et leurs grands yeux pétillants d'une noirceur ardente. Las ! Sous leur peau parfaitement Humaine se cachait un corps de métal froid, très résistant. Pas un bruit n'était audible ; pas un disfonctionnement de la machinerie n'eut été recencé un jour. Golem de métal, certes, mais création unique et incarnant l'être parfait.
L'être parfait n'était cependant pas de l'espèce de L 23. Les androïdes étaient les instruments des Dieux, les Humains, qui dans leur quête de la connaissance disparurent de la surface de l'univers. Armad disait que ce fut le Cataclysme qui provoqua la perte malheureuse de leurs géniteurs. Nourrissant l'espoir mince de retrouver des Humains vivants, les androïdes s'étaient lancés dans une intense recherche, récupérant au passage les précieux artefacts qu'ils pouvaient avoir laissés. Chaque antique objet, aussi ancien soit-il, menait les fidèles plus prêts de la voie de la vérité.
" A tout le personnel, préparez-vous à l'impact. "
La voix de VF 136 résonna dans les hauts-parleur. L 23 détourna son regard de ses camarades et serra de chaque côtés de son siège fermement les poignées.
Il ne sut pas très bien ce qu'il se passa après... Il sentit une secousse épouvantable, ses mains même se détachèrent de leurs prises, puis heurta un quelconque objet. Il ressentit un grand vide ensuite...
A son réveil, il était affalé par-terre dans une position bien maladroite. Le rapide bilan d'état général ne révéla rien du tout. Tout était parfait, ne restait que le feu vert pour commencer la mission.
Par mesure de sécurité, L 23 fit lui-même une analyse complète de l'état de son équipe, mais avec soulagement ne détecta rien du tout. Rien ne devait être en effet laissé au hasard. L'erreur est humaine, disait Armad, et nous ne sommes pas humains.
" Ici VF 136, vous me recevez ?
- Affirmatif, répondit L 23. Nous sommes opérationnels. En attente des ordres.
- La mission débute maintenant. Nous sommes dans une sorte de grand hangar ; impossible de voir le fond. Je n'ai pas vu non plus de point de sortie. Je recommande de prendre un vaisseau de débarquement.
- Bien reçu. Nous reviendrons avec les données. Terminé. "
Et un autre extrait un peu plus loin...
/ FICHIER N°10 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ BLEU /
/ 13 août XERREURX / 13:53 / Système stellaire Inconnu, station spatiale Silence /
Le Sanctuaire. Un lieu paisible, calme comme les abysses au plus profond de la mer. C'était une grande salle circulaire, plongée dans la pénombre, aux paroies tapissées de bleu marine. D'innombrables hologrammes de galaxies gravitaient un peu partout dans la pièce, autour d'une... étrange silhouette constituée d'eau.
Personne ne voyait jamais Armad. Son corps " physique " devait reposer quelque part au sein de la station, mais personne ne savait où. Dans le Sanctuaire siégeait seulement une représentation mentale, faite d'eau, de véritable eau liquide ! Les contours en étaient simples ; on savait juste qu'il s'agissait d'une forme humaine. Il n'existait pas de détails tels que les sourcils, les yeux ou la bouche. En tout cas, c'était ce que L 23 percevait de lui.
L 23 entrant, la porte se referma derrière-lui. Armad, qui projetait dans la pièce des reflets bleu, étaient assis sur son socle de pierre, au centre même du Sanctuaire. L'androïde ne sut que faire ; avancer ou attendre un ordre du maître ?
" Bienvenue dans l'océan de la paix... Déclara soudain Armad. Ici, tu demeure en toute quiétude.
L 23 était tétanisé ; montrer un semblant de gentillesse n'était pas normal.
- Approche, mon jeune ami. Pourquoi serais-je cruel envers toi ?
- Vous... Vous ne me jugez pas coupable de l'accident ?
Court silence. Armad se leva, s'étira et contempla l'une des galaxies devant lui, à la couleur bleu-violet.
- Non. Les réactions de tes frères ont été un peu trop excessives, je pense. Ce fut un accident ; qui navigue sur l'océan risque de périr noyé.
- Je... Je... Merci, maî... Balbutia L 23, tout heureux.
- Inutile de m'appeler Maître, coupa Armad. Tu n'es point mon esclave, et de mon côté je ne t'asservis pas non plus. Approche, L 23. Pénètre dans mon océan de bonté et de paix.
L 23 s'approcha beaucoup plus, et se tint à quelques mètres d'Armad. Quelle vision fantastique !
- J'aime l'océan, dit Armad. Regarde ces milliards de milliards de galaxies : ne dirait-on pas de la pluie qui scintille ?
- Je ne sais pas ce qu'est la pluie. Je n'ai jamais touché d'eau.
- Quel dommage... Murmura Armad. La pluie est un phénomène si merveilleux... Ainsi, jamais tu n'as touché d'eau. Approche encore, que je te vois davantage.
L 23 se rapprocha encore un peu. Armad était tout près à présent, et l'androïde était véritablement impressionné.
- Tends ta main, dit Armad.
L 23 s'exécuta ; Armad tendit lui aussi son bras, approcha sa main de celle de L 23 et transperça celle-ci. Choc ! L 23 eut un frisson, un frisson de plaisir. Ainsi, c'était donc cela, l'eau ! Quelle sensation incroyable, et étrange en même temps ! Comment décrire ce sentiment de mouillé, de ruissellement d'eau sur sa main ? Celle-ci était froide, presque glaciale. L'eau, c'est de l'air en un peu plus lourd et plaisant, pensait L 23.
Armad prit plaisir à regarder L 23. Il n'accordait pas souvent cette faveur unique aux autres androïdes, le privilège de toucher l'eau, source de toute vie. Même ses bras-droits n'avaient pas tous eut la chance d'apprécier le goût exquis de l'eau. Armad était content, emplit de félicité ; son seul bonheur suffisait à rendre ses semblables heureux. Il retira sa main, puis posa son regard sur L 23.
- Voilà ce qu'est l'eau. C'est beau, n'est-ce pas ?
- J'adore ! Avez-vous déjà vu des océans ? Questionna L 23, enjoué.
- Oui, beaucoup de fois... Mais à force de goûter aux mêmes délices, on s'en lasse. Je me suis lassé un temps de l'océan et de sa lueur bleutée. Mais depuis le temps que je suis ici, j'en suis nostalgique. J'aimerais retrouver l'océan.
- Et à l'intérieur de l'océan, est-ce la même... sensation que dans votre main ?
- Oui, bien sûr. On se sent tellement bien... C'est incroyable. L'océan est sacré, car la vie vient de l'océan, et les Créateurs aussi, expliqua Armad.
- Alors... C'est hérésie de toucher à l'océan ?! S'exclama L 23.
- Non, non ! Rit Armad. L'océan est amour et appartient à tous. Ce n'est pas une invention des Créateurs, loin de là. Son origine est encore plus lointaine.
- Où trouve-t-on l'eau ? S'enquit L 23.
- Sur beaucoup de planètes... Pour dire vrai, là où tu trouves l'eau, tu trouves la vie. Ces deux là vont par pair, toujours, invariablement.
- Je vois, répondit L 23. Que vous êtes sage...
- La sagesse est une utopie ; cependant, celui qui se déclare sage est désireux de s'en rapprocher au maximum. Les seuls vrais sages sont les Dieux, là-haut dans leur paradis bleu.
- Les Dieux ?
- Les Créateurs, rectifia Armad. Les Créateurs sont des Dieux, nos Dieux. Regarde bien à présent ; je vais te montrer une représentation des Créateurs...
Armad agita la main, doucement et avec fraîcheur, et un écran holographique apparut.
- Sont-ce les Créateurs ? Demanda L 23, timidement.
- Oui. Contemple le souffle divin qui jadis nous insuffla vie. Contemple, et comprends.
L 23 se pencha plus. C'était une fresque de couleur, belle et agréable, teintée d'une douce couleur azur. On y voyait de beaux personnages, les Créateurs sans doute, habillés d'une bure bleue claire. Ils étaient cinq, tous couronnés d'un cercle blanc autour de la tête. Ils marchaient sur une étendue de couleur lapis-lazuli, la tête fixant l'horizon, là où se perdaient de petits nuages, ceux-ci happés par une sorte de grand soleil éclatant. Derrière-eux, par contre, tout était sombre, rouge, flamboyant. Les nuages n'étaient plus, on ne voyait plus qu'un ciel gris, noir, L 23 ne savait pas trop bien.
- Pourquoi portent-ils des bures ?
- Ce ne sont pas des bures, dit Armad. Cette fresque peut être mal analysée si l'on ne prête guère attention. Ce sont des linceuls.
- Des linceuls ?
- Un tissu qui servait à recouvrir les morts. Cette fresque représente la mort et la disparition des Créateurs : ils quittent le monde infernal qu'est notre Univers, pour transcender leur état et passer dans le monde spirituel.
- Le... monde sptiruel ? Reprit L 23, comprenant de moins en moins bien.
- Spirituel, corrigea Armad. Tous les Créateurs étaient dotés d'une âme, signe de leur ascendance divine. Lorsque leur corps mourrait, l'âme s'envolait vers le monde des esprits. De là, ils voient tout, font tout et savent tout. Ils sont le Tout.
- Qu'est-ce que le Tout ?
- Le Tout n'est autre que toutes les âmes des Créateurs réunies en une seule. Mais le Tout n'est pas la forme ultime de cette apogée ; lorsque tous les Créateurs, absolument tous, seront morts et passeront dans le monde spirituel, alors notre Univers sera consummé et des cendres jaillira un nouvel ordre, celui des Créateurs, servis par leurs fidèles serviteurs, nous.
- Mais alors, si notre Univers n'a pas encore sombré, c'est qu'il reste quelque part des Créateurs ?
- Absolument. Tu comprends mieux, maintenant, dit Armad en esquissant un sourire.
- Expliquez-moi encore la fresque...
- Bien. Vois-tu, les Créateurs sont tournés vers le monde spirituel, qui est représenté par la lumière intense, et d'où découle tout élément. Ils marchent sur l'eau, c'est l'étendue bleue. Et l'eau, c'est la vie. Ils quittent donc l'enfer de la vie pour revenir aux sources de chaque chose et de chaque être, le monde spirituel...
- Et ces cercles blancs qui flottent au-dessus des têtes des Créateurs, qu'est-ce que c'est ?
- Des auréoles. Mais ne me demande pas d'où cela vient, cela je ne le sais pas. C'est un très vieil héritage qui d'après ce que j'en sais, marque l'ascendance divine.
- Encore ? Ils sont doublement marqués ? S'étonna L 23.
- Euh... non, il ne faut pas comprendre dans ce sens là. Si tu veux, ces auréoles renforcent encore plus l'aspect divin des Créateurs, pour dissiper les doutes planant sur le bien-fondé de nos dogmes.
- Ah oui... Je crois que je comprends.
- Peut-être comprends-tu... Ou peut-être pas. Car il faut du temps pour apprécier l'essence d'une leçon. C'est là la voie des sages.
- Je... d'accord, balbutia L 23.
- Bien. Je crois qu'il est temps d'y aller pour toi. Je vais libérer tes amis, et l'incident sur l'épave est oublié. Et de toute façon, la mission est accomplie, n'est-ce pas ? A bientôt, L 23. Nous nous reverrons, sois-en certain. "
/ FICHIER N°11 / OUVERTURE DES DONNEES... /
/ LES OUTILS DE LA VICTOIRE /
" Tout être a un but dans la vie ; celui qui n'en a pas est le pauvre diable qui est condamné à errer jusqu'à la fin de ses jours. Mais nous, nous avons un but. Un objectif. Une raison d'être. Nous sommes les outils de la victoire, faits pour triompher des dangers de l'univers. Tous, nous convergeont vers un seul même objectif : retrouver les Créateurs. Et pour cela, nous devons tout faire pour y parvenir ! Nous écraserons toute résistance, détruirons et exterminerons quiconque s'y opposera. Car personne ne pourra faire échouer notre si précieuse entreprise ; s'il le faut, nous condamnerons tous les êtres vivants restants dans l'Univers à de longs supplices et à une lente agonie. Tragiques terreurs rouges de sang, certes, mais ô combien nécessaires. Car nous sommes les outils de la victoire ; que la volonté des Créateurs soit faite. "
Armad, 8ème sermon
Voilà, je vous ennuis plus ^^
!!!